Louise de Keroual, l’espionne bretonne du Roi-Soleil

[écrit par Kaynann Guérin]

Portrait of Louise de Keroualle (detail), Duchess of Portsmouth, 1671–74, Peter Lely. J. Paul Getty Museum

Née en septembre 1649 près de Brest, Louise de Penancoët de Keroual est issue de la petite noblesse bretonne du Léon. Son père s’est illustré pendant la guerre de Trente Ans, et sa mère, Marie de Ploeuc, est apparentée au duc de Bretagne Jean V. La famille est modeste, et Louise est élevée au couvent de Lesneven. 

En 1668, Louise de Keroual est remarquée par le duc de Beaufort, cousin du roi. Elle devient dame d’honneur de « Madame » : la princesse Henriette d’Angleterre, épouse du prince Philippe, duc d’Orléans et frère de Louis XIV. A Paris puis à Versailles, Louise apprend très vite les raffinements de la vie de Cour. Sa beauté est reconnue par ses contemporains. 

En 1670, la princesse Henriette se rend en mission diplomatique chez son frère, à la cour de Londres. Le roi Charles II Stuart, tombe vite sous le charme de la jeune Bretonne qui accompagne sa sœur. La signature du Traité de Douvres rapproche la France et l’Angleterre : Charles II accepte de fournir des troupes, et en échange Louis XIV lui verse une rente annuelle de 200 000 livres. En remerciement, la duchesse d’Orléans propose à son frère de choisir un bijou dans sa cassette. Posant sa main sur Louise de Keroual, le roi aurait dit : « Voilà le seul bijou que je désire ! ». 

Peu de temps après ce voyage, la princesse Henriette meurt dans d’étranges circonstances, on parle d’empoisonnement ! Louis XIV décide alors d’envoyer Louise de Keroual réconforter le roi d’Angleterre, très affecté par la mort brutale de sa sœur. Le roi de France cherche surtout à pousser Charles II à se convertir au catholicisme et maintenir de bonnes relations anglo-françaises, notamment dans la future Guerre de Hollande que Louis XIV projette. Si le roi-soleil brille sur le plan terrestre, ce sont les Provinces-Unies qui dominent les mers. L’alliance avec l’Angleterre est donc nécessaire pour rivaliser face à la flotte batave. 

Louise est installée dans un grand appartement au palais de Whitehall et devient dame d’honneur de la reine. Malgré une cour effrénée du roi, la très pieuse Louise refuse ses avances. Louis XIV se fâche, Louise n’a plus le choix et cède. Une parodie de mariage est rapidement organisée, la nuit de noces consommée, et Louise devient ainsi la favorite royale. 

En 1672, Louise donne naissance à un fils baptisé Charles Lennox. Le roi Charles II, qui n’a jamais eu d’enfant avec son épouse légitime, décide de reconnaître officiellement son fils et de le faire duc de Richmond. Un titre très symbolique puisque ce duché était un fief donné par les rois d’Angleterre aux ducs de Bretagne ! De son côté, Louise est titrée duchesse de Porsmouth, et reçoit de Louis XIV le titre de duchesse d’Aubigny (Berry), ancien fief des rois d’Écosse. 

A Londres, Louise de Keroual joue un rôle important auprès de son royal amant. Elle espionne pour Louis XIV qui avait besoin de cette alliance contre la Hollande menée depuis l’été 1672 par Guillaume d’Orange. Cette liaison à des limites puisqu’en janvier 1674, l’Angleterre et les Provinces-Unies signent un traité de paix séparée. Le roi étant, d’une part, poussé par son parlement à la négocier et de l‘autre réticent à continuer par son lien de confiance avec Guillaume d’Orange, son propre neveu nouvellement maître de la République des Provinces-Unies ! Cela n’empêche pas Louise de défendre ainsi les intérêts de la France jusqu’à la mort de Charles II en février 1685. Elle rentre alors en Bretagne, s’installe dans un somptueux hôtel particulier à Brest, et achète le château de Trémazan. Elle meurt en 1734 à Paris. 

Louise de Keroual a aujourd’hui de nombreux descendants, à commencer par les ducs de Richmond qui sont donc les héritiers directs de la dynastie Stuart, elle-même d’origine bretonne et ayant régné pendant plusieurs siècles sur l’Écosse puis l’Angleterre. Plus insolite : la chanteuse Jane Birkin, épouse de Serge Gainsbourg est aussi une descendante de Louise et Charles II. Enfin Lady Diana, Princesse de Galles, et donc les princes William, duc de Cambridge, et Harry, duc de Sussex, ainsi que le Prince George sont des descendants de la belle bretonne. 

  • LEVILLAIN, Charles-Edouard, Vaincre Louis XIV, Angleterre-Hollande-France, Histoire d’une relation triangulaire, 1665-1688, éd. Champ Vallon, Seyssel, 2010 
  • DE LA HOUGUE Catherine, Ces femmes qui ont fait la Bretagne, éd. Ouest-France, 2019
  • BOULAIRE Alain, Louise de Keroual, la Duchesse aux 6000 descendants, article du magazine Historia, novembre 2011

Publié par Rubrikenn Istor Breizh

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